mercredi 11 avril 2007

C'est le temps des récoltes.

8 avril 2007.
Si c'est pas une date à marquer d'une croix rouge au calendrier de ma vie...


Moi qui n'avait pas l'intention d'élaborer sur l'anorexie ici, eh bien je n'aurai pas tenu mon objectif bien longtemps. C'est vrai, je voulais parler de ma vie à l'extérieur de tout ça afin de m'en distancier le plus possible, mais présentement ça fait partie de ma vie.


8 avril 2007, donc, je disais.

C'était dimanche dernier, à Pâques, fête familiale se déroulant autour de la table et axée entièrement sur le contenu de l'assiette. Habituellement, tous et chacun s'empiffrent de petits oeufs en chocolat, conséquence de la frustration générée par la réunion de membres de la famille qui ne s'étaient pas vu depuis Pâques dernier, et qui avaient une bonne raison de le faire. Ça, c'est ma vision de la chose. Elle diffère pour tous, et j'espère bien pour vous.


L'an dernier, pareille date, mes parents étaient assis sur mon lit d'hôpital et mon frère se tenait dans l'encadrement de la porte, en ayant que pitié pour sa soeur étiquettée folle à interner.
Cette année, je n'avais aucun goût d'être spectatrice du cirque familial au brunch dominicain, et encore moins le goût de gâcher la journée par mes pathétiques phobies alimentaires.
J'ai donc pris une bonne bouffée d'air, pris mon courage à deux mains, puis j'ai plongé mes yeux dans ceux de ma mère en déclarant : ''Ce soir, si vous en avez envie, je viendrai avec vous au resto''. Puis, rouge écarlate, j'ai expiré.
Je dois avouer que de la part d'une fille qui refuse toute sortie au restaurant depuis des années et qui fait des crises d'angoisse pour des carottes, du haut de mes 1m62, je n'étais peut-être pas assez convaincante.
Mais, j'étais plus que déterminée.
Alors j'ai répété.
C'est probablement pour ça qu'elle m'a crue, et accepté l'offre.

Les décisions, c'est pas mon fort. J'ai donc laissé au reste de la famille la lourde tâche de choisir l'endroit ou je m'apprêtais à réussir l'ultime défi, mais surtout ou j'avais décidé de passer un bon moment avec eux.



Le verdict, Bâton Rouge, ne m'a fait ni chaud ni froid, puisque je n'avais aucune idée du contenu du menu.

Une fois assise devant le chic petit dépliant beige et bourgogne, j'ai senti ma gorge se nouer et mes yeux s'humidifier. Il n'était pas question que je me laisse guider par la petite voix dictatrice, je me suis alors levée (trop vite, je me suis frappée sur le coin de la table, j'vous dit pas la dimension du bleu que j'ai sur le genou en ce moment) puis dirigé aux toilettes pour me resaisir, et je suis revenue, presque calme.


J'avais la ferme intention de passer un bon moment, et rien ni personne, surtout pas moi, n'allait gâcher cette soirée.


Le menu était loin de tenir compte de mes goûts, mais j'ai finalement choisi : Salade au poulet grillé, sans fromage, sauce miel-moutarde à côté.


Les assiettes étaient énormes, au moins deux fois les portions gargantuesques de l'hôpital. Certainement pas le genre d'endroit pour y amener une anorexique au premier défi-resto.


Mais, j'ai réussi.

J'ai mangé et même apprécié.


Le plus important, toutefois, ne réside pas dans le fait que j'aie mangé, mais bien plus dans le fait que, pour une fois, j'ai passé un bon moment avec ma famille, sans trop me prendre la tête avec mon assiette. Pour une fois, j'ai senti que j'appartenais à cette famille, que j'avais ma place, que je n'étais plus un fardeau, que j'étais quelqu'un, que j'étais une fille normale de 18 ans avec sa famille, que j'étais moi.


Et pour moi ce moment vaut toutes les soirées ou je me suis effondrée devant des petits pois, toutes les fois ou j'ai avalé une bouchée en pleurant, tous les défis, toutes les heures de thérapie, chaque gramme difficilement pris.


Je récolte enfin les fruits de mes efforts.





2 commentaires:

marie a dit…

Ah le bâton rouge, je connais ça.. il parait que c'est très bon mais un peu cher.. en tout cas, je devrais l'essayer un jour.

Bravo pour avoir réussi à apprécier ton repas, c'est un grand pas, du temps que j'étais très préoccupée par mon assiette, j'avais tellement de mal à savourer sans trembler que je sais à quel point tu dois être fière.

Au fait, tu as été hospitalisée ou?

Pam a dit…

Connais pas ce resto... Mais, "juste", un grand, grand, GRAND bravo... J'imagine à quel point c'est dur. Vraiment, mille bravo pour avoir réussi à foutre la petite voix à la porte au moins le temps d'un repas. Un vrai repas en famille :)