mardi 14 août 2007

Vivante


Plusieurs jours sans écrire, plusieurs semaines même, on pourrait presque dire un mois.
Ce n'est pas un manque de temps, un manque d'envie ou parce que je vais mal, mais tout simplement parce que pour la première fois depuis longtemps (toujours?), je peux affirmer que je vais...bien. Tout simplement.
Je vais bien, et je l'accepte.
Vous imaginez ?
Après 18 ans et trois mois, je peux enfin dire que j'ai un semblant de vie. La mienne. Pas la vie qu'on me force à vivre, pas la vie qu'on trace devant moi, pas une vie idéale et parfaite, la mienne-à-moi.
Je me sens devenir plus autonome, plus en contrôle de ma propre vie.
J'ai laissé conduire ma vie par ma mère, mon père, mes amis pendant si longtemps... je prends maintenant le volant. Ça fait peur, c'est inconfortable, je suis pas toujours à l'aise, je ne sais pas exactement ou je vais, mais je suis ma propre route que je me dessine jour après jour, moi-même.
Et j'en suis fière.
Qu'est-ce qui peut bien expliquer ce soudain changement ?
Le temps, l'écoeurement, la détermination, la volonté, les médicaments ? Je ne pourrais le dire. Probablement un mélange de tout ça.
Moi qui refusais systématiquement d'avaler un Advil, honnêtement je dois avouer que je suis reconnaissante de prendre mes anxiolytiques. Peut-être n'est-ce seulement qu'une coïncidence, reste que je vais continuer de les prendre.
Je me sens en paix... Mes pensées ont retrouvé un rythme plus normal, mes obsessions s'estompent, je retrouve une joie de vivre oubliée, un sourire que j'avais égaré. Le son de mon rire me surprend à chaque fois parce que je ne le reconnais pas... en fait, je ne l'aime pas comme à peu près tout ce qui fait parti de moi, mais ça fait du bien de l'entendre.
J'ai un nouvel emploi que j'adore qui m'a fait retrouvé ma passion pour les cosmétiques et produits de beautés, qui me fait de plus en plus découvrir plusieurs côtés inconnus de ma personnalité : une fille discrète et réservée mais sociable, qui adore conseiller les gens, douce, généreuse, travaillante et déterminée.
Je fais de nouvelles rencontres et j'accepte presque toutes les invitations : celles dont j'ai envie. Qu'elles m'effraient ou pas.
J'arrive à être plus spontanée, plus affectueuse, plus sereine, plus en confiance, à être moi tout simplement.
Avec des qualités que je découvre, des défauts que j'essaie d'accepter.
Je me sens de plus en plus à l'aise d'être Pascale.
J'ai de moins en moins besoin de ma fausse identité, de ma béquille, de ma partie anorexique.

Je m'anorexorcise.

mercredi 18 juillet 2007

Avale.

Le monde est si laid, Maman, le monde est affreux, Docteur.
Ne le voyez-vous pas ?
Il me répugne, c'est horrible.
Tous ces abominables charognards qui commettent d'ignobles crimes...
N'avez-vous pas lu sur ceux qui abusent les enfants, et ceux qui volent les dépourvus, et ceux qui assassinent leurs propres géniteurs, et ceux qui, pire encore, martyrisent leur propre progéniture ?
Ils exhalent une telle putridité.


Ne sentez-vous pas cette odeur qui reste captive de vos narines ?
Une émanation de sueur, de sang salé, de honte, l'odeur aigre du crime.
L'air en est saturé.
Mes vêtements s'en imprègne, elle infiltre sournoisement mes pores.
J'en suis infectée. J'en suis infectée !

Débarrassez-moi, videz-moi de cette odeur fétide.
J'ai tenté de m'en délivrer pendant de nombreuses années, à en perdre ma vie.
J'ai réappris à vivre et voilà qu'elle me colle à la peau, et je n'en veux pas.
Je n'en veux pas.
Cette impureté, cette fétidité, cette humanité.


Shhh.

- Voilà un comprimé à prendre chaque jour. Tu t'en sentiras mieux.
- Mais laissez moi à la fin, êtes vous aveugles ?
Shhh.

- Avale cette pilule bleutée, avale là, avale et oublie...


mercredi 27 juin 2007

Saturée.

J'en suis entièrement infectée, tous les pores de ma peau en sont obstrués, je ne pense à rien d'autre, je ne parle de rien d'autre, je ne fais rien d'autre.
Je suis saturée.
Saturée de pensées, d'information, de discussions, envahie.
Je suis anorexique à temps plein, Pascale à temps partiel.
Mais quand cela va-t-il changer ? Et, surtout, quand vais-je arrêter de me demander quand cela changera et le ferai-je sans me poser de question ?
Mes pensées roulent à une vitesse folle, les questions se chevauchent les unes les autres, et ça tourne, ça tourne, ça tourne. J'en ai mal au coeur, j'en ai mal à la tête.
J'en peux plus, c'est assez.
Ma psy me parle de méditation depuis plusieurs mois, mais je n'ai jamais trouvé le courage de ne rien faire un instant et d'essayer. Maintenant, je m'en fiche, je dois le faire. Peut importe si j'ai du mal à ne pas bouger, si je trouve cela ridicule et que je me sens stupide, que je me sens coupable de me reposer, peut importe, je me dois de le faire.
Je vous fait partager le site qu'elle m'a recommandé :
http://base.club-positif.com/cl.1/alpha.html si cela peut vous être utile.
Je m'engage à le faire chaque jour en espérant que ça puisse m'être bénéfique.

dimanche 24 juin 2007

Prétexte.

Une excuse.
Cette maladie n'est strictement rien d'autre qu'une grosse excuse, un prétexte, un moyen d'éviter ma vie.
Suis-je lâche à ce point ?
Pathétique au point de nager dans mon malheur en sachant pertinemment les majeures causes de ma maladie, et de ne pas prendre les bouées qui se pointent à l'horizon ? Parfois, j'ai honte de moi.
J'ai 18 ans. Il est plus que temps que je prenne totale responsabilité de ma vie et que j'affronte mes peurs. Mais lance toi, fonce, jette toi bordel !

Certaines choses me terrifient, certaines choses me dégoûtent horriblement et bloquent ma guérison. Pourtant, je l'avoue, je n'ose en parler. Je suis incapable. Je reste muette.
J'espérais que le temps fasse son oeuvre, que les peurs se dissipent, mais j'ai une façon peu commune de voir la vie. Et je doute malheureusement que ma perception ne change.
Comment arriver à reprogrammer mon cerveau, à défaire certaines associations ?
Je suis profondément horrifiée par l'être humain.
Je l'avoue, j'ai du mal à ne pas le voir comme un animal.
Accepter la nourriture, c'est accepter la vie.
Accepter la vie, est-ce pourtant accepter d'être cet animal égoïste, rongé de pulsions, hypocrite et cruel ?
Accepter de vivre, d'avoir les formes d'une femme, est-ce pourtant d'accepter d'être vue comme une proie, un bout de chair dévoré par les regards d'hommes pervers ?
Accepter de vivre, est-ce pourtant d'accepter également que c'est profondément inutile, futile et absurde ?
J'ai une façon tordue de voir la vie, et j'espère qu'elle changera.
J'étais rongée de 'Pourquoi?', et maintenant je n'attends que la réponse de mes 'Comment?'.

jeudi 14 juin 2007

En retard, En retard, j'ai rendez-vous quelquepart.

Je me baladais en vélo hier soir, à l'heure ou le soleil s'apprêtait à se coucher, question d'évacuer mon angoisse incontrôlable du moment.
Cette courte demi-heure à pédaler, pédaler, pédaler et voir défiler les dizaines de maisons quasi identiques, les voitures stationnées dans leurs entrées respectives et leurs heureux propriétaires installés sur leurs perrons, m'aide en effet bien souvent à oublier mes peurs et problèmes de la journée pour un trop court instant.
C'est pendant cette promenade, hier, que j'ai croisé un petit lapin blanc. Toute petite, minuscule boule de poil blanche qui me fixait. Il est plutôt rare d'apercevoir ces bestioles liliputiennes en liberté dans mon quartier. Probablement l'animal domestique d'un des heureux propriétaires assis sur son perron à siroter un apéritif...

Bref, il était là, immobile, ne cessant de me fixer de ses petits yeux rouges. Ça m'a immédiatement fait penser à cette pauvre Alice.

Et si j'étais, moi aussi, tombée de l'autre côté du miroir ? Et si j'avais à un moment suivi ce fichu petit lapin pressé et que je m'étais retrouvée dans un monde absurde et illusoire, sans m'en rendre compte. Comment en sortir alors ?
Je me suis rappelée que cette chère Alice avait utilisé sa logique, son bon sens, afin de se sortir du pétrin. Est-ce là, la clé ?
Je dois faire vite avant de rester emprisonnée dans ce monde ou le temps est déréglé...

Puis, en m'éloignant, ça m'a évidemment fait penser à ma Choupette que j'ai cruellement arraché à ce monde il y a deux mois de cela.

...Pour ne me laisser que plus seule et coupable.

Éternellement seule et coupable.

mercredi 13 juin 2007

« Le plus clair de mon temps, je le passe à l'obscurcir, parce que la lumière me gêne.»

'' Le vent se frayait un chemin parmi les feuilles et ressortait des arbres tout chargé d'odeurs de bourgeons et de fleurs [... ] Le soleil dépliait lentement ses rayons et les hasardait, avec précaution, dans des endroits qu'il ne pouvait atteindre directement, les recourbant à angles arrondis et onctueux, mais se heurtait à des choses très noires et les retirait très vite, d'un mouvement nerveux et précis de poulpe doré. Son immense carcasse brulante se rapprocha peu à peu, puis se mit, immobile, à vaporiser les eaux continentales et les horloges sonnèrent trois coups. ''

Je l'avoue, je ne suis pas une grande lectrice.

Je suis facilement distraite et ennuyée, et il est pour moi impossible de lire un livre qui pourrait être confondu avec un dictionnaire. Rares sont les ouvrages qui retiennent donc mon attention.
Voici un deuxième roman que j'ai beaucoup apprécié, écrit par l'écrivain surréaliste Boris Vian, qui fait sans le moindre doute parti de mes auteurs favoris. On nous a proposé la lecture de 'L'Écume des jours' pour l'épreuve finale de Littérature cette année, et j'étais loin de m'imaginer que j'allais découvrir un réel petit trésor entre les deux couvertures bleues arborant un couple de poupées bout-de-chou.

Absurde à souhait, rempli de citations qui malgré leur incohérence nous font réfléchir, une histoire quasi absente et insensée, des personnages ridicules et attachants... Un coup de coeur.


lundi 11 juin 2007

Qui maitrisait le monde des odeurs maitraisait le coeur de l'humanité.


"Ou encore comme la tique sur son arbre […] solitaire, concentrée et cachée dans son arbre, aveugle, sourde et muette […] butée, bornée et répugnante, reste embusquée, et vit, et attend. […] Une tique comme cela, voilà ce qu'était l'enfant Grenouille. Il vivait refermé sur lui-même […] il ne donnait rien que ses excréments ; pas un sourire, pas un cri, pas un regard brillant, pas même sa propre odeur."
Un extrait d'un livre que j'ai lu, lu et relu, que je vous fait partager ici. Je n'ai pas vu la version cinématographique et ne compte pas la voir non plus de peur que ça ne gâche ce que je me suis moi-même imaginé. En fait, je n'aurais jamais cru que le roman ait pu été adapté en vidéo, ça doit être plutôt étrange et incomplet. Après tout, «Notre langage ne vaut rien pour décrire le monde des odeurs.», pas plus que l'image à mon avis.
Un roman à découvrir absolument.


dimanche 10 juin 2007

À la mode de chez nous.

Festival de la Mode de Montréal. 10 juin 2006.
Photos by me.




















































































Voilà quelques photos de mon passage au Festival de Mode de Montréal.

Un podium, de la musique au max, des flash, des mannequins, des vêtements, un défilé. J'en ai presque versé une larme de joie.
Plusieurs choix de mélanges de tissus intéressants, du jaune et du rouge plein la vue, des ensembles quasi intégralement copié de L.A.M.B, des robes extravagantes, des leggings métalliques, et une photographe amateure ^^
Le criminel retourne toujours sur les lieux du crime, dit-on.
Et si c'était vrai ?
Et si cette fixation que j'ai de retourner dans mon ancien quartier que j'ai quitté vers mes 11 ans, pouvait avoir un lien avec ma propre mort.
Et si je m'étais assassinée moi-même à cet endroit?
Peut-être n'est-ce que de la nostalgie...
Reste qu'hier, j'y suis allée en voiture, seule, dans les petites rues de mon quartier d'enfance.
Sont remontés de nombreux souvenirs, bons et mauvais. Mauvais surtout.
Peut-être y suis-je aussi allée pour tenter de tourner la page...Celle de mon enfance.
Je me surprends aussi souvent à me balader en vélo et trainer dans les parcs pour me balancer sans voir passer les heures. Comme une petite fille. Comme la petite Pascale. Comme si je m'accrochais toujours à cette partie de moi que je suis incapable de laisser partir complètement...
J'ai maintenant 18 ans depuis quelques semaines et je vis cette entrée dans le monde adulte beaucoup mieux que je ne l'imaginais. J'avais si peur...et puis je vois bien que ça ne change rien. Sinon que je me sens enfin grandir, devenir une jeune femme plus autonome, indépendante et confiante.
Comme quoi il faut affronter ses peurs, pour se rendre compte qu'on était effrayé pour rien du tout.

C'est la même chose avec la maladie. Plus j'avance dans la guérison, plus je me rends compte que j'étais terrifiée pour absolument rien.

Plus on se visualise comme la femme qu'on souhaiterait être, plus on le devient. Si je continue à me considérer comme une fillette effrayée qui a besoin de ses petites roues d'en arrière, plus je le resterai.



dimanche 3 juin 2007

Reprendre ma place.

Ça fait un bon moment qu'il ne s'écrit plus rien dans ce petit blog...


Pourquoi ? Parce que j'ai décidé de ne plus donner de l'importance à cette maladie ou à cette guérison, je ne veux plus y penser, je veux voir tout ça disparaître...Le meilleur moyen ne réside-t-il pas dans le fait de ne plus en parler ? Je veux m'occuper de ma vie, faire des activités que j'aime, aider des gens, être quelqu'un de bien et d'heureux.



Seulement, alors quoi écrire ici ? J'ai honte d'avouer que je n'avais strictement rien d'autre à dire. J'ai été malade pendant si longtemps, je me suis enfermée à l'intérieur de moi-même et j'ai oublié la clé... J'ai chassé toute parcelle de vie en moi, je me suis vidée de tout et il ne reste aujourd'hui plus grand chose de la personne que j'étais avant, de celle que j'aurais dû accepter il y a bien des années. Je suis confrontée à ce vide qui me fait si peur...heureusement, il se dissipe, il se remplit et me laisse un peu de place. Tout simplement parce que j'ai décidé de me pardonner, de tenter de me faire confiance, d'essayer de m'accepter.


La vraie Pascale n'est peut-être pas aussi forte, grande, mince, belle, indépendante, drôle et intéressante qu'elle ne l'aurait souhaité.


La vraie Pascale ne mesure qu'1m62, et ça ne changera jamais. Elle n'aura jamais une forte poitrine et a naturellement les fesses un peu rebondies. Elle a un teint pâle, des sourcils en accent circonflexe et les ongles rongés jusqu'au sang. Elle est un peu timide et il lui faut du temps pour s'adapter et être à l'aise avec les gens. Elle n'a pas confiance en elle, se dévalorise, a tendance à s'effacer et est plutôt insécure et angoissée face à la vie derrière ses faux airs de jeune femme forte et impassible. Elle déteste rire d'elle-même autant qu'elle déteste rire des autres. Elle a profondément honte de la personne qu'elle est, tout en sachant qu'elle a tort. Elle est remplie de contradictions de la racine des cheveux jusqu'au bout des ongles.


La vraie Pascale n'est pas parfaite.


J'aurais tort de ne nommer que ses défauts, puisqu'elle a aussi des qualités. Pascale est une généreuse innée qui est prête à donner de son temps, de son argent, de son aide sans compter. Elle finit toujours ce qu'elle commence, peut importe ce que c'est. Elle est passionnée, ambitieuse et est convaincue qu'avec un peu de confiance, elle pourra réussir tout ce qu'elle veut. Elle est une éternelle rêveuse. Elle est sensible, empathique et chaleureuse...mais pas en ce moment. Elle a, en fait, beaucoup de mal à se trouver des qualités.


Mais ça viendra.


Pascale finira par s'accepter, puisqu'elle en a décidé ainsi.


mardi 1 mai 2007

Et s'en suivit le désespoir.


Et en éternelle pessismiste je dirai alors : ''fallait bien s'y attendre''.

C'était trop beau pour être vrai... Ça se sentait des kilomètres à la ronde.

Bien beau blâmer un rhume qui bloquait mon odorat, j'aurais dû le prévoir.


La lumière au bout du tunnel m'aveuglait décidément, et je ne l'ai vu venir.

Le parasite acharné qui refait surface.

L'espoir, la joie, la paix m'ont fait baisser ma garde et il en a profité pour s'émiscer à travers chaque pore de ma peau.

C'est la peur qui a fait revenir le désespoir qui m'étouffe, m'égorge, me vide et me laisse carcasse froide et tremblante gisant entre les parois de ma précieuse petite bulle de cristal.

Ce parasite, c'est moi qui le fait vivre.

Ce parasite, c'est moi.

Si en ce moment la seule envie qui persiste est celle de m'éteindre et d'en finir, c'est que j'ai eu trop peur. C'est que je n'étais pas prête au bonheur.

Pas encore.

Quand le serais-je ?

Quand me laisserais-je enfin respirer et cesserai-je de m'asphixier ?




mercredi 11 avril 2007

C'est le temps des récoltes.

8 avril 2007.
Si c'est pas une date à marquer d'une croix rouge au calendrier de ma vie...


Moi qui n'avait pas l'intention d'élaborer sur l'anorexie ici, eh bien je n'aurai pas tenu mon objectif bien longtemps. C'est vrai, je voulais parler de ma vie à l'extérieur de tout ça afin de m'en distancier le plus possible, mais présentement ça fait partie de ma vie.


8 avril 2007, donc, je disais.

C'était dimanche dernier, à Pâques, fête familiale se déroulant autour de la table et axée entièrement sur le contenu de l'assiette. Habituellement, tous et chacun s'empiffrent de petits oeufs en chocolat, conséquence de la frustration générée par la réunion de membres de la famille qui ne s'étaient pas vu depuis Pâques dernier, et qui avaient une bonne raison de le faire. Ça, c'est ma vision de la chose. Elle diffère pour tous, et j'espère bien pour vous.


L'an dernier, pareille date, mes parents étaient assis sur mon lit d'hôpital et mon frère se tenait dans l'encadrement de la porte, en ayant que pitié pour sa soeur étiquettée folle à interner.
Cette année, je n'avais aucun goût d'être spectatrice du cirque familial au brunch dominicain, et encore moins le goût de gâcher la journée par mes pathétiques phobies alimentaires.
J'ai donc pris une bonne bouffée d'air, pris mon courage à deux mains, puis j'ai plongé mes yeux dans ceux de ma mère en déclarant : ''Ce soir, si vous en avez envie, je viendrai avec vous au resto''. Puis, rouge écarlate, j'ai expiré.
Je dois avouer que de la part d'une fille qui refuse toute sortie au restaurant depuis des années et qui fait des crises d'angoisse pour des carottes, du haut de mes 1m62, je n'étais peut-être pas assez convaincante.
Mais, j'étais plus que déterminée.
Alors j'ai répété.
C'est probablement pour ça qu'elle m'a crue, et accepté l'offre.

Les décisions, c'est pas mon fort. J'ai donc laissé au reste de la famille la lourde tâche de choisir l'endroit ou je m'apprêtais à réussir l'ultime défi, mais surtout ou j'avais décidé de passer un bon moment avec eux.



Le verdict, Bâton Rouge, ne m'a fait ni chaud ni froid, puisque je n'avais aucune idée du contenu du menu.

Une fois assise devant le chic petit dépliant beige et bourgogne, j'ai senti ma gorge se nouer et mes yeux s'humidifier. Il n'était pas question que je me laisse guider par la petite voix dictatrice, je me suis alors levée (trop vite, je me suis frappée sur le coin de la table, j'vous dit pas la dimension du bleu que j'ai sur le genou en ce moment) puis dirigé aux toilettes pour me resaisir, et je suis revenue, presque calme.


J'avais la ferme intention de passer un bon moment, et rien ni personne, surtout pas moi, n'allait gâcher cette soirée.


Le menu était loin de tenir compte de mes goûts, mais j'ai finalement choisi : Salade au poulet grillé, sans fromage, sauce miel-moutarde à côté.


Les assiettes étaient énormes, au moins deux fois les portions gargantuesques de l'hôpital. Certainement pas le genre d'endroit pour y amener une anorexique au premier défi-resto.


Mais, j'ai réussi.

J'ai mangé et même apprécié.


Le plus important, toutefois, ne réside pas dans le fait que j'aie mangé, mais bien plus dans le fait que, pour une fois, j'ai passé un bon moment avec ma famille, sans trop me prendre la tête avec mon assiette. Pour une fois, j'ai senti que j'appartenais à cette famille, que j'avais ma place, que je n'étais plus un fardeau, que j'étais quelqu'un, que j'étais une fille normale de 18 ans avec sa famille, que j'étais moi.


Et pour moi ce moment vaut toutes les soirées ou je me suis effondrée devant des petits pois, toutes les fois ou j'ai avalé une bouchée en pleurant, tous les défis, toutes les heures de thérapie, chaque gramme difficilement pris.


Je récolte enfin les fruits de mes efforts.





jeudi 5 avril 2007

Il était une fois.

Pas de blog sans d'abord une petite présentation.
J'aimerais toutefois sauter cette première partie, l'éviter, y revenir plus tard peut-être, mais une chose que j'ai enfin appris avec le temps, c'est qu'il faut affronter ses peurs.
Me voilà confrontée à mon éternelle hantise : une page blanche, d'un vide angoissant, remplie à craquer d'un rien-du-tout qui noue mon estomac, une page d'un blanc immaculé, vierge et pure que je devrais salir de mots, de phrases de paragraphes difficiles à expulser.

Dix minutes se sont écoulées, puis quinze, puis vingt sans qu'aucune lettre n'y soit inscrite : rien à faire, je demeure figée, retenant mon souffle à m'asphyxier. Tic, toc, tic, toc.
Le temps ne s'arrêtera pas pour toi, Pascale.
Reste que cette première phrase, celle ayant pour but de me présenter, fait apparaître deux blocs de ciment au bout de mes pieds. Je bloque.
Il n'est pas facile de présenter quelqu'un qu'on vient tout juste de découvrir et qu'on connaît malgré tout à peine. Pour le moment, contentons-nous d'un maigre et cliché ''Je m'appelle Pascale et après 18 'Bonne Fête' trop précoces, je me suis enfin décidée à pointer le bout de mon nez''.
Un accouchement quelque peur tardif, dira-t-on ?
Ma mère a effectivement porté une fillette effrayée durant 18 printemps.
Un foetus ridiculement trop grand pour demeurer accroché au placenta de maman.
Mais, voilà, c'est chose faite.
Mon dernier blog traitait de mon combat, de ma 'survie', de mes souffrances. Celui-ci parlera maintenant de ma vie, mes joies et mes peines, mes peurs aussi, mais en tant qu'individu unique, que personne propre, qu'entité entière, la vraie moi. Avec ses qualités et ses défauts, ses particularités, ses forces et ses faiblesses...
À moi de rassembler les piècles du puzzle une fois pour toutes.



'Fragile' a l'unique et égoïste objectif de me détacher de cette dualité, de dévoiler ma vie en tant que guérie, que survivante, que vainqueure, que jeune femme...en tant que moi, point. Après mon anorexorcisme, ma décision de lâcher prise sur la maladie, de me libérer de mes chaînes, me voici tout simplement, moi. Enfin. Pascale, 18 ans, étudiante en Arts Plastiques et vainqueure d'un long combat.